Déclaration au Sommet sur le financement des économies africaines, Paris, 18 mai 2021

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Sommet sur le financement des économies africaines, Paris

La pandémie de Covid-19 a provoqué une crise économique mondiale sans précédent, aux conséquences sociales majeures. Après 25 ans de croissance continue, l’Afrique est gravement touchée et a connu une récession en 2020.

Le Fonds monétaire international (FMI) estime que jusqu’à 285 milliards de dollars de financements supplémentaires sur la période 2021-2025 seraient nécessaires aux pays africains, dont près de la moitié aux pays africains à faible revenu, pour renforcer la réponse apportée à la pandémie. Les pays à revenu intermédiaire nécessitent également une attention particulière. Sans action collective, le financement et les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine seront compromis.

La plupart des régions du monde lancent à l’heure actuelle de vastes plans de relance, en utilisant les instruments monétaires et budgétaires massifs dont elles disposent. En revanche, nombre d’économies africaines ne possèdent ni des capacités suffisantes ni d’instruments similaires pour faire de même. Nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser de côté.

Nous, les dirigeants participant au Sommet, en présence d’organisations internationales, avons la responsabilité d’agir ensemble et de combattre la grande divergence qui est en train d’apparaitre entre les pays et au sein de chaque pays.

Cela nécessite d’agir collectivement pour mettre en place un plan de soutien financier très substantiel visant à donner une impulsion indispensable à l’économie de ces pays et à apporter les moyens d’investir pour un avenir meilleur. Nous ambitionnons de répondre aux besoins de financement immédiats, d’améliorer la capacité des gouvernements africains à soutenir une relance économique vigoureuse et durable, et de renforcer le secteur privé africain, dont le dynamisme représente un facteur de croissance à long terme pour le continent.

Dans l’immédiat, la priorité absolue est de vaincre la pandémie. Nous reconnaissons le rôle d’une immunisation à grande échelle contre la Covid-19 en tant que bien public mondial et nous unissons nos efforts pour veiller à un accès équitable en Afrique à des vaccins, des traitements et des moyens de diagnostic sûrs et abordables grâce au dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la Covid-19 (Accélérateur ACT) et à sa facilité COVAX, ainsi qu’à l’initiative AVATT de l’Union africaine. Nous nous efforcerons d’accélérer ces efforts pour faire en sorte que l’Afrique reçoive davantage de vaccins, notamment en partageant les doses, en soutenant les garanties de marché et en favorisant le commerce tout au long de la chaîne de valeur, ainsi qu’en développant les capacités locales nécessaires à la distribution des vaccins.

Nous devons aussi, en partenariat avec le secteur privé, accélérer la production de vaccins en renforçant les capacités locales sur le continent africain.

Cela peut être facilité par un partage volontaire de la propriété intellectuelle et par le transfert actif des technologies et du savoir-faire, conformément aux cadres juridiques internationaux, par exemple par la mise en commun des licences et la conclusion d’accords de fabrication pour permettre une production locale.

Nous nous appuierons sur le système financier international pour créer l’espace budgétaire nécessaire aux économies africaines. Nous appelons à rapidement décider d’une allocation générale de droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI d’un montant sans précédent, qui devrait atteindre 650 milliards de dollars, dont près de 33 milliards destinés à augmenter les avoirs de réserve des pays africains, et à la mettre en œuvre dans les meilleurs délais, et nous demandons aux pays d’utiliser ces nouvelles ressources d’une manière transparente et efficace. Nous sommes déterminés à amplifier considérablement son impact en Afrique en étudiant le prêt de DTS à titre volontaire par l’intermédiaire du Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) du FMI, et en envisageant avec le FMI, la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement (BMD) diverses options supplémentaires pour prêter des DTS en vue de soutenir la relance verte, résiliente et inclusive des membres du FMI, au sortir de la pandémie, conformément aux Objectifs de développement durable (ODD).

Ce soutien sera complété par l’aide publique au développement (APD), une 20e reconstitution ambitieuse des ressources de l’Association internationale de développement (AID-20), la 16e reconstitution générale des ressources du Fonds africain de développement (FAD-16) en 2022 et la mobilisation de financements concessionnels supplémentaires par le FMI, les banques et les fonds multilatéraux de développement, ainsi que les organismes bilatéraux de développement. Nous demandons aux BMD de mobiliser davantage de financement privé en Afrique en mettant au point et en renforçant les instruments de partage des risques pertinents.

Cet effort multilatéral s’articulera étroitement avec l’action du réseau des banques publiques de développement africaines, en impliquant la Banque africaine de développement (BAD) et les institutions financières publiques nationales et régionales.

Solidement ancrées localement, leur capacité à faire émerger davantage de projets de qualité, en particulier pour le climat, la santé, l’éducation, les infrastructures et le secteur privé, est indispensable à la réussite de toutes les mesures prises à l’échelle internationale pour financer efficacement les économies africaines.

Pour soulager les économies africaines qui pâtissent de vulnérabilités liées à leur dette publique extérieure, les créanciers du G20 et du Club de Paris agissent tel que convenu dans le communiqué des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales du G20 d’avril et le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’Initiative de Suspension du Service de la Dette (ISSD) adopté en novembre 2020.

Pour dynamiser la croissance et la création d’emplois, nous soutenons les stratégies africaines nationales et nous saluons l’ambition de développer une Alliance pour l’entrepreneuriat en Afrique, qui aura une large portée panafricaine et accordera une place prépondérante aux entreprises.

Cette Alliance permettra de mobiliser tous les partenaires désireux de mettre des ressources financières et techniques au service du développement du secteur privé en Afrique, des microentreprises et des petites et moyennes entreprises (MPME), et notamment des femmes-entrepreneurs soutenues par l’Initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA). Nous attendons avec intérêt que la Société financière internationale (SFI), en coordination avec la BAD, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) dans ses pays d’opérations, la Banque européenne d’investissement (BEI), les autres BMD concernées et les institutions de financement du développement bilatérales intéressées, poursuive les efforts pour lancer cette Alliance, en collaboration avec la Commission de l’Union africaine, d’une manière progressive et ciblée. Ces efforts s’appuient sur ceux déployés dans la cadre de l’approche Équipe Europe aux côtés des institutions européennes de financement du développement pour contribuer aux objectifs de ce Sommet.

Nous réitérons notre soutien continu à l’égard de l’initiative du G20 sur le soutien à l’industrialisation en Afrique et dans les pays les moins avancés, du partenariat du G20 avec l’Afrique, du ! Compact with Africa « , ainsi qu’à l’égard d’autres initiatives pertinentes. Comme la relance et la prospérité à long terme sont indissociables de réformes favorables au développement du secteur privé, nous prenons acte de la proposition commune de la France et de l’Allemagne visant à renforcer davantage l’initiative du G20 ! Compact with Africa « .

Nous saluons la mise en œuvre de l’Accord portant création de la Zone de libreéchange continentale africaine et la transformation numérique du continent visant à réduire la fracture numérique et à accélérer l’adoption d’écosystèmes numériques ouverts, équitables et non discriminatoires, ce qui produira des bénéfices significatifs en matière de productivité, d’innovation et de croissance durable. Compte tenu de notre foi commune en l’impact positif du commerce sur le développement, nous examinerons des solutions pour accroître la valeur ajoutée africaine dans les chaînes mondiales d’approvisionnement.

Un soutien international est indispensable pour soutenir des plans de relance ayant l’envergure requise, mais cela pourrait au besoin s’accompagner de plus de flexibilité concernant les plafonds d’endettement et de déficit lorsque c’est approprié et de réformes difficiles mais nécessaires à mener au niveau national, avec l’aide de la communauté internationale en tant que de besoin.

Afin de financer des politiques publiques clés pour une croissance inclusive et durable, telles que l’éducation, la santé, la protection sociale et les infrastructures, il sera nécessaire de mobiliser plus fortement les ressources intérieures, d’accroître la transparence et l’efficacité de la gestion de la dette et des dépenses publiques, d’améliorer la gouvernance et l’intégrité financière et de créer un environnement favorable au secteur privé au moyen de partenariats public privé et de financements privés. Nous améliorerons en outre la préparation et le financement des projets d’infrastructure.

Nous promouvrons une trajectoire de développement durable, circulaire et à faible intensité de carbone de l’Afrique et veillerons à assurer sa résilience climatique et environnementale au cours des décennies à venir. Nous nous efforcerons d’élargir l’éventail des donateurs et des investisseurs en faveur du financement de l’action pour le climat et la biodiversité et du développement technologique en Afrique, notamment en mobilisant davantage de ressources vers le continent par l’intermédiaire du Fonds vert pour le climat et du Fonds pour l’environnement mondial. Par ailleurs, nous appelons les institutions financières internationales à se fixer des objectifs ambitieux dans leurs projets portant sur le climat, en équilibrant adaptation et atténuation, et à aligner complètement leurs activités sur l’Accord de Paris dans les plus brefs délais.

En définitive, la croissance et la résilience reposent sur le capital humain. Notre objectif prioritaire est de mobiliser ce capital et le potentiel démographique de l’Afrique et ainsi fournir au secteur privé les atouts dont il a besoin. Nous nous engageons à renforcer les systèmes de santé, de protection sociale, et d’enseignement et de formation sur le continent africain, en reconnaissant qu’ils constituent des facteurs déterminants pour accroître la productivité sur le continent et garantir la résilience économique en protégeant les vies, les emplois et les compétences des Africains.

Nous œuvrerons ensemble pour renforcer la mobilisation des talents africains et consolider l’expertise du secteur public et les ressources et connaissances au niveau local. Nous estimons que l’engagement des pays concernés est primordial et que la série d’actions que nous nous engageons à mettre en œuvre doit aller de pair avec un fort renforcement des capacités. Nous travaillerons pour accroître et mobiliser l’expertise africaine, qu’elle soit sur le continent ou en dehors.

Investir aujourd’hui dans le développement durable des économies africaines et dans leur population active en pleine expansion contribuera à faire de l’Afrique la future championne de la croissance mondiale.

En marge des prochaines Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale en octobre 2021, il sera opportun de faire le point sur les efforts que nous aurons déployés pour assurer la mise en œuvre effective de ces mesures et d’affiner les initiatives que nous proposons.

 

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