La problématique de la pauvreté en Afrique : le cas du Sénégal

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Pour un nouveau paradigme, comme rampe de relance de l’économie

« Pauvreté massive et inégalités obscènes sont de si terribles fléaux de notre temps, qu’ils ont leur place aux côtés de l’esclavage et de l’apartheid dans les maux sociaux. »

Nelson MANDELA

Le prétexte de cet article est la publication par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (A .N.S .D), d’une étude sur la pauvreté, et largement relayée par la presse.

La problématique tourne autour de trois questions :

  • Pourquoi la pauvreté persiste en Afrique ?
  • Quelles sont les causes de la pauvreté ?
  • Comment sortir de la pauvreté ?

Nous allons essayer de porter une réflexion, que nous partageons avec tous ceux qui sont intéressés par le sujet.

Il va sans dire que c’est un thème très vaste. Nous invitons les étudiants en Master 2 d’en faire un sujet de mémoire, et aux doctorants une thèse, si ce n’est déjà fait. La pauvreté n’intéresse pas seulement les économistes ; c’est un sujet transversal qui intéresse beaucoup de spécialités : les économistes ; les sociologues, les psychologues, les hommes de culture. Etc. C’est dire que pour traiter un tel sujet, il faut une approche holistique.

En effet, le taux de pauvreté a atteint 37,8 % en 2018/2019. Cependant, l’on observe une baisse par rapport à 2011 ou le taux était de 42,8 % soit une baisse de cinq points. Le ministre de l’économie, du plan et de la coopération, monsieur Amadou HOTT a raison de dire que la pauvreté a baissé au Sénégal.

La pauvreté est une gangrène endémique dans presque toute l’Afrique. L’étranger qui débarque dans n’importe lequel des pays africains, a dès le premier abord, une perception évidente de la pauvreté. Pour ce faire, il suffit simplement de voir le nombre d’enfants dans la rue entrain de faire la manche. Mieux, des adultes interpellent discrètement les passants pour quémander de quoi nourrir leurs progénitures. Alors, tout cela est en partie la conséquence de l’exode rurale, avec l’arrivée massive des ruraux dans les centres urbains ou périurbains. Cette migration du milieu rural vers les grandes villes, peut être considérée comme un réflexe de survie ; la pauvreté étant beaucoup plus accentuée dans les campagnes africaines.

Comment faire pour éradiquer la pauvreté, ou tout au moins la réduire de façon drastique ?

Il y a plusieurs pistes à explorer, dont notamment :

  • La bonne gouvernance et la répartition équitable des richesses ;
  • La limitation et /ou le contrôle des naissances pour la maitrise de la démographie ;
  • La capture du dividende démographique ;
  • La discrimination positive.

La bonne gouvernance et la répartition équitable des richesses.

L’Afrique regorge de richesses inestimables dans son sol, son sous-sol et en mer. Paradoxalement, comme nous l’avons déjà indiqué dans d’autres études antérieures, ces richesses ne profitent pas souvent aux populations africaines.

Souventes fois, c’est la gabegie et le laxisme, y compris la mal gouvernance, qui freinent le développement des pays africains, parfois malgré des taux de croissance qui font rougir quelques dirigeants des pays développés. Le monde a changé, nous sommes à l’ère du numérique, des réseaux sociaux. Aujourd’hui, de simples citoyens s’érigent en lanceurs d’alertes, en vigie de la bonne gouvernance.

Les dirigeants africains doivent comprendre que la plupart des rebellions, des luttes armées (djihadisme et autres), prennent leur source dans l’injustice qui est le terreau de la misère et de la pauvreté. L’Afrique est déstabilisée partout, du Nord au Sud, d’Est en Ouest à cause de la répartition inéquitable des richesses et de la mal gouvernance. Cependant, l’on peut observer quelques exceptions de pays plus ou moins bien gouvernés. C’est le cas notamment du Rwanda, du Cap Vert, du Ghana et du Sénégal.

Le Sénégal, il faut le souligner est bien gouverné. Tout ne pouvant pas être parfait, il y aura toujours certains qui ne manqueront pas de faire des critiques, et c’est de bonne guerre.

Cependant, malgré cette bonne gouvernance, la pauvreté sévit toujours au Sénégal, comme dans la majeure partie des pays africains. Néanmoins, l’espoir est permis avec cette tendance baissière de la courbe de la pauvreté, d’année en année.

La limitation et /ou le contrôle des naissances pour la maitrise de la démographie.

Dans son étude, l’ANSD fait remarquer que : « la baisse de la pauvreté de 2011 à 2018/2019, n’a pas été suffisante pour réduire le nombre de pauvres, du fait notamment de la croissance démographique sur la période ».

C’est comme qui dirait, le taux de croissance prend les escaliers, pendant que le taux de la croissance démographique prend l’ascenseur. Tous les efforts consentis pour une croissance conséquente seront toujours annihilés par l’augmentation exponentielle de la population. La logique voudrait que si l’on partage 100 frs entre dix personnes, le gain est plus élevé que si on partage 100 frs entre trente personnes. Ceci, pour dire simplement que quel que soit le taux de croissance de l’économie, si le taux de la croissance démographique n’est pas maitrisé, on aura consenti des efforts en vain. Il est donc temps que nous nous départissions de cette politique de l’autruche que nous adoptons jusqu’ici, en éludant sciemment l’équation de la démographie, en en faisant un sujet tabou.

Dans les années 80/90, l’Etat avait mis en place une politique de planning familial. Il y avait des structures comme l’ASBEF (Association Sénégalaise pour le Bien Être Familial) et la PMI (Protection Maternelle et Infantile). Ces entités avaient élaboré des politiques de contrôle et de limitation des naissances. C’est dire que les pouvoirs publics doivent mettre en place une politique d’incitation à la limitation et /ou au contrôle des naissances.

La capture du dividende démographique.

Le dividende démographique est décrit par le Fonds des Nations Unies pour les Activités de Population (UNFPA), comme : « Une hausse de la productivité économique, qui se produit lorsque le ratio de la population active par rapport au nombre de personnes à charge s’accroît ».

La population africaine est constituée à plus de 75% de jeunes. C’est dire que c’est sur une bombe sur laquelle sont assis les gouvernants. Pour capturer le dividende démographique, les pouvoirs publics doivent miser sur le capital humain. Il s’agit d’élaborer des politiques publiques de prise en charge des préoccupations des populations, particulièrement de la jeunesse. Il est heureux de noter que l’Etat du Sénégal a consenti des efforts notables, avec la mise en place du plan Sénégal Emergent. Le Président Macky SALL a compris très tôt que la prise en charge du capital humain est incontournable, pour le développement du Sénégal.

C’est ainsi qu’il a initié des politiques publiques telles que : le PUDC, le PUMA, les BOURSES FAMILIALES, la CARTE D’EGALITE DES CHANCES, la DER/FJ. Etc. A côté de ces politiques publiques, des Instituts de formation sont créés pour l’employabilité des jeunes, des hôpitaux sont construits dans des régions qui étaient jusque-là desservies. Des plateformes industrielles sont aussi créées pour la création d’emplois. Tout ceci participe à la capture du dividende démographique.

Cependant, il est bon de travailler à la capture du dividende démographique, corrélativement à la mise en place d’une politique de maîtrise de la croissance démographique.

Une politique de discrimination positive.

L’étude de l’ANSD a montré que la pauvreté est plus accentuée dans le monde rural. Nonobstant ce constat, il faut souligner par ailleurs, qu’il y a un déséquilibre manifeste du point de vue des infrastructures et des services sociaux de base, entre les régions au Sénégal. C’est la raison pour laquelle, l’Etat doit promouvoir une politique de discrimination positive en faveur des régions de telles que Kolda, Sédhiou, Kédougou, et Matam. Pour le cas de la région de Ziguinchor, c’est d’autant plus vrai et urgent, que cette région a beaucoup perdu du fait de la rébellion des éléments du MFDC. Cette région a besoin d’un rattrapage sur tous les plans, pour jouer le rôle qui est le sien dans l’économie nationale. Il est vrai que le Plan Sénégal Emergent a pris en compte cette souciance, par le désenclavement de ces régions dites périphériques. Dans le cadre du PUDC, et du PUMA, ces régions ont bénéficié d’investissements sur les infrastructures et certains services sociaux de base. Cependant, l’Etat doit faire beaucoup plus pour ces régions, dans les prochaines années. Les populations ont besoin d’un cadre de vie décent, avec le minimum de confort pour rester dignement dans les terroirs, sans penser à la migration.

Au demeurant, si les conditions suscitées sont effectivement réunies, il est certain que la pauvreté sera réduite considérablement, pour être éradiquer dans les deux prochaines décennies, s’il y a évidemment une volonté politique allant dans ce sens.

                                                                                Pr. Serigne Ousmane BEYE
                                                                                Secrétaire national chargé des études
                                                                                et de la prospective du Parti Socialiste
                                                                                beyeouse@ucad.sn

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